« Je ne peux pas continuer, je vais continuer »
Comprendre cette phrase, nécessite d’évoquer la «Philosophie de l’absurde», et même avant cela, de rappeler que le mot « absurde » vient du latin absurdus qui signifie « dissonant », « contradictoire »..
Ainsi, cette philosophie de l’absurde, exprime le sentiment d’une contradiction profonde entre la quête humaine de sens et le silence ou l’indifférence du monde face à cette quête. Il ne s’agit pas seulement de l’absence de sens, mais de l’incapacité humaine à accepter cette absence tout en continuant à chercher : une double peine !
De ce fait, et à l’instar du théâtre Kabuki au Japon, qui met en scène une narration claire, histoires structurées, souvent adaptation de récits historiques.
Le théâtre de l’absurde apparu au 20ème siècle en Europe – influencé par la Seconde Guerre mondiale – rejette les conventions classiques du théâtre occidental pour créer un malaise existentiel et inviter à la lucidité : Il cherche à déstabiliser, à provoquer une prise de conscience de la condition humaine et du non-sens de l’existence.
Cette introduction, sert uniquement à expliquer la première partie de la citation : « Je ne peux pas continuer », qui reflète l’épuisement existentiel, le sentiment d’un monde vide de sens.

Pour comprendre la deuxième partie de la citation, nous pouvons mobiliser une autre :
« il faut imaginer Sisyphe heureux ».
Elle provient d’Albert Camus, et symbolise une réponse audacieuse à l’absurde : Camus utilise le mythe grec de Sisyphe, condamné par les dieux à rouler éternellement un rocher au sommet d’une montagne, le laisser tomber, puis recommencer. Cela illustre l’absurde : une existence répétitive et dépourvue de but final.
Sisyphe incarne l'homme confronté à un monde inintelligible, où les efforts humains ne mènent à rien de durable.
Pourtant, Camus conclut qu'il faut l'imaginer heureux car, par sa conscience de l'absurde, Sisyphe se révolte : il accepte sa tâche, la domine par le mépris et trouve une forme de liberté dans l'acte même de persévérer.
Cette « joie silencieuse » naît de l'acceptation : le rocher devient « sa chose », et la lutte suffit à remplir le cœur d'un homme.
Cette idée n’est pas un optimisme naïf, mais une révolte contre le néant, où le bonheur émerge de la lucidité face à l’absurde.
Quelques années plus tard, Alexandre Soljenitsyne dans son roman « Une journée d’Ivan Denissovitch » met en avant des travailleurs du goulag creusant un trou sans savoir pourquoi, mais se sentant contents à la fin de la journée : ces travailleurs transforment l’absurde en une résilience vitale, évoquant une certaine fierté dans la persévérance.
Ainsi, ces exemples nous aident à comprendre le « Je vais continuer » : certes, la vie – vue par le prisme de la raison uniquement – peut être absurde…Mais ensuite ? Comment pouvons nous répondre à cela ? Par une résilience émotionnelle presque instinctive, face au néant on avance, sans but clair, mais avec une compulsion vitale.
En réfléchissant à tout ça, je ne peux m’empêcher de dire : « qu’il est beau l’esprit humain ! », capable d’analyser rationnellement le sens de son existence, son vide, et d’être touché par les résultats de son analyse, et pourtant ne baisse pas les bras : au lieu d’opposer la raison et l’émotion, il propose un coup de maitre, les allier : mais pas naïvement, pas pour se bercer d’illusions, non !
Car en poussant le raisonnement jusqu’au bout, l’émotion est la seule issue, c’est une conséquence d’un raisonnement qui prend en compte la dimension de l’être humain dans sa globalité, qui n’est pas un être purement rationnel, mais qui est avant tout un mélange entre raison et émotion.
Finalement, Sisyphe c’est chacune et chacun d’entre nous, il montre que même face au « Métro boulot dodo » il est possible de trouver une voie, celle de la résilience et de l’espoir.
Je conclurai simplement par une de mes phrases préférées de Paul Valéry :
« Le vent se lève !… Il faut tenter de Vivre ! »


