Symphonie de la pensée à travers les temps

Lorsqu’on constante un jardin , il est aisé de remarquer que toutes les fleurs ne sont pas exposées équitablement à la lumière, de la même manière et même si cela n’est pas perceptible à l’œil nu, il se pourrait que toutes les fleurs ne bénéficient pas équitablement des nutriments et des soins de la terre.

Ainsi, nous aurions des éléments de réponses si on posait la question « Pourquoi certaines fleurs brillent-elles plus que d’autres ? ».

Depuis des siècles, cette question appliquée au potentiel humain divise les penseurs, façonne les cultures et définit silencieusement ceux que nous célébrons comme «exceptionnels».

Je verrai désormais différemment ces belles fleurs!

L’histoire de ce dialogue se déroule en 4 temps :

1) 1869 : Le jardin héréditaire

Francis Galton (scientifique britannique) plante la première graine scientifique avec son livre « Hereditary Genius ». En étudiant les lignées de personnalités brillantes : juges, musiciens, etc… il affirme que la grandeur naît de trois racines :

  • Une capacité innée (génétique, don de la nature)
  • La passion (concentration intense)
  • L’aptitude au labeur (effort incessant)

Pourtant, sa théorie avait des failles. En se focalisant sur l’hérédité, Galton ignore les critères sociétaux : richesse, éducation, privilèges…

Son cousin, Charles Darwin, salue l’œuvre, mais en questionne le cœur :

« J’ai toujours soutenu que… les hommes ne différaient guère par l’intellect, seulement par la passion et le travail acharné. »

Le scepticisme de Darwin révèle une vérité plus profonde : même les graines les plus robustes ont besoin de plus que de terre et de soleil pour s’épanouir.

2) 1890 : Le verger inexploité

Quelques années plus tard, William James (psychologue et philosophe américain), apporte une vision différente dans son livre « The Principles of Psychology », il brise le mythe de capacité innée en soulignant que ce potentiel est latent chez tous les êtres humains, mais très peu l’exploitent véritablement, sa pensée est résumée ainsi :

« Les hommes à travers le monde possèdent des ressources que seuls des individus exceptionnels poussent à leurs limites extrêmes. »

Toutefois, la vision de James comporte des angles morts. Pousser ses capacités à l’extrême est donné à tout le monde, ou y’a-t-il des conditions préalables et imperceptibles qui font que certains y arrivent et d’autres pas ?

3) 2013 : Le mirage du « naturel »

Arrivée au 21e siècle, l’enseignante et chercheuse américaine Chia-Jung Tsay mène des expériences qui aboutissent à un paradoxe : La société prétend valoriser l’effort, mais préfère les «naturels».

En effet, en faisant écouter le même morceau de piano (joué par le même pianiste) à des groupes de personnes, et en indiquant que : le pianiste est né avec un talent inné ou que le pianiste a travaillé dur pour en arriver là, ses études révèlent que :

Des performances musicales identiques sont mieux notées si attribuées à un « talent inné » plutôt qu’à un « travail acharné »

Ce biais, détectable chez les enfants dès cinq ans, persiste mondialement (à des degrés divers selon les cultures).

4) 2024 : L’émergence d’un nouveau paradigme

Les recherches d’Angela Duckworth montrent que la persévérance, la niaque le «grit» prédit mieux le succès que le QI. Mais cette persévérance dépend elle-même de :

  • Facteurs environnementaux : Quartiers sûrs, mentors, stabilité financière.
  • État d’esprit de croissance : Croire en des capacités malléables booste les résultats.

Retour au jardin :

Alors, pourquoi certaines fleurs brillent-elles plus que d’autres ?

A l’aune de dialogue en 4 temps, on voit que la réponse ne réside clairement pas dans des dichotomies (nature VS culture), mais dans leur interaction :

  • Les graines comptent, mais aussi la main du jardinier !
  • L’exposition à la lumière n’est pas juste ; il faut construire des serres pour les fleurs situées dans l’ombre.

Peindre l’évolution du travail

« Travaillez, prenez de la peine : c’est le fonds qui manque le moins »

Cette phrase célèbre provient de la fable « Le Laboureur et ses Enfants » de Jean de La Fontaine, qui tient son inspiration de la fable d’Ésope datant d’environ 620 av. J.-C.

Dans le contexte de la fable datant de 1668, un père mourant utilise cette sagesse pour inciter ses enfants à travailler dur, en leur faisant croire qu’un trésor est caché dans leur champ. Les enfants, en labourant le champ à la recherche du trésor, finissent par augmenter sa productivité, découvrant ainsi que le véritable trésor est le fruit de leur travail.

Cette phrase est devenue un proverbe populaire, souvent cité pour encourager l’effort et la persévérance dans le travail.

Mais comment ce travail – et surtout sa perception – ont évolué depuis cette époque ?

Deux artistes qui, sans le savoir, allaient peindre l’histoire du travail à travers les âges et répondre à la question.

Le premier est un tableau de Bruegel décrivant une scène rurale typique du 16e siècle, une vision réaliste mais respectueuse du labeur paysan. Le travail est montré comme difficile mais noble, intégré harmonieusement dans la nature et la communauté.

Quelques siècles plus tard, en 1997, Tunbjörk avec son tableau « Agents de change » offre un contraste saisissant : Un travail dans un environnement artificiel, sans fenêtres ni lumière naturelle, avec des visages tendus, reflétant le stress et la pression, incarnés par des agents entassés dans un espace de bureau exigu.

L’art, à travers son exagération volontaire, permet de mettre en lumière les aspects les plus profonds et souvent invisibles de notre réalité quotidienne, nous invitant à une réflexion critique sur notre monde et notre place en son sein.

Entre ces deux tableaux, c’est toute l’histoire de notre relation au travail qui se déroule. Nous avons quitté les champs ouverts pour nous enfermer dans des tours de verre et d’acier. Le rythme des saisons a cédé la place au tic-tac implacable des horloges numériques. La communauté s’est fragmentée en une multitude d’individus, chacun rivé à sa tâche spécifique.

Pourtant, malgré ces changements radicaux, quelque chose persiste : la quête de sens dans notre labeur quotidien. Les paysans de Bruegel trouvaient leur raison d’être dans la récolte qui nourrirait leur village. Les agents de change de Tunbjörk, eux, cherchent peut-être leur place dans un monde où la valeur se mesure en chiffres sur un écran.

Dans les deux cas, la sagesse de Jean de La Fontaine demeure, notre histoire loin de s’arrêter, continue de s’écrire encore. On peut simplement être curieux et se demander ce que nous réserve l’avenir ?

Essentialisme VS Existentialisme

Sommes-nous définis par ce que nous sommes ou par ce que nous faisons ?

Voilà une question bien difficile, la question de l’identité humaine, pourtant la plus ancienne maxime Delphique « Connais-toi toi-même » vient insister que la connaissance des choses passe par une connaissance préalable de soi, mais comment faire ?

Plusieurs théories et approches ont essayé de répondre à cette question, parmi elles, deux perspectives émergent : l’une où l’essence précède et définit l’existence c’est l’essentialisme, et l’autre où l’existence précède, laissant à l’individu la liberté et la responsabilité de se construire, c’est l’existentialisme.

L’essentialisme postule que l’identité d’un individu est inscrite dans une essence fixe, immuable, qui préexiste à son existence. En d’autres termes, tout ce que nous sommes et devenons est déjà inscrit en nous dès notre naissance.

À l’inverse, l’existentialisme, incarné notamment par les pensées de Jean-Paul Sartre, soutient que nous existons d’abord sans essence définie et que c’est par nos choix et nos actes que nous nous définissons : « l’existence précède l’essence ».

  • Avec un essentialisme absolu, vivre se réduit à accomplir son essence : à devenir qui nous sommes, qui nous avons toujours été. Mais cette vision soulève aussi des questions sur la liberté humaine : si tout est déjà écrit, où se situe notre libre arbitre ?
  • Avec un existentialisme absolu, vivre se réduit à créer sa propre essence : à jouir d’une liberté absolue associée à une responsabilité écrasante. Mais nous sommes seuls responsables de nos échecs, sans excuses pour justifier nos erreurs.

Autant dire que les 2 visions peuvent être jugées cruelles et difficiles !

La force de l’essentialisme réside dans le fait que certains talents ou qualités sont innés et immuables. Il reconnaît l’existence d’un potentiel qui ne demande qu’à être actualisé. Une essence prédéterminée peut fournir un sentiment de direction et de sens : en sachant ce que l’on est, il devient plus facile d’accepter son rôle et d’agir en conséquence. Cependant, même dans ce cadre, l’effort et la volonté sont essentiels pour réaliser ce potentiel. Posséder une essence n’est pas suffisant ! Encore faut-il la maîtriser et l’utiliser.

De son côté, l’existentialisme met en avant la liberté humaine, mais aussi et surtout – le courage nécessaire – pour embrasser cette liberté. Être « condamné à être libre », comme l’écrit Sartre, signifie que nous avons toujours la possibilité de changer de cap, de redéfinir notre trajectoire. Dans ce paradigme, nos échecs ne sont pas des fatalités ; ils sont des tremplins pour créer une identité plus cohérente avec nos choix et nos aspirations.

Ainsi, Sartre avance que « l’important ce n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce que nous-mêmes nous faisons de ce qu’on a fait de nous ». Cela souligne l’idée que notre essence n’est pas donnée à la naissance, mais se construit à travers nos actions et décisions.

Une vie épanouie serait un équilibre entre ce que nous sommes et ce que nous faisons ?

Au fond, ni l’essentialisme ni l’existentialisme ne sont des réponses définitives. Ils sont des outils pour interpréter des choix, des échecs et des succès, mais surtout, nous faire réfléchir et nous sentir tout petits !
Et pour cause, Il existe d’autres approches, comme le constructivisme (l’identité est construite à travers nos interactions sociales et notre environnement culturel) ou encore la théorie de l’identité narrative (l’identité se forme à travers les histoires que nous racontons sur nous-mêmes) et bien d’autres encore…