« L’homme est la mesure de toute chose. »
Cette célèbre formule popularisée par Platon, pose les fondements du relativisme : rien n’existe indépendamment de celui qui le perçoit. Autrement dit, « tout est dans le regard ».
À partir de cette idée, où peut mener une réflexion sur la liberté ?
Pour certains, être libre signifie agir sans contraintes, comme à l’état de nature : un lion qui chasse sa proie, puis se repose au soleil, sans autre limite que ses instincts.
Mais l’humain, doté de conscience, se distingue du règne animal. Il se questionne sur le sens de son existence. Et, ce faisant, il découvre que ce sens n’est pas donné d’avance : il doit être construit. Cette construction implique de se libérer des déterminismes et des aliénations afin d’exercer une capacité de choix. Ainsi, la quête de sens devient une quête de liberté.
Sartre l’exprime avec force : « L’homme est condamné à être libre» Il est totalement responsable de ce qu’il est et du sens qu’il donne à sa vie.
Alors, ce lion est-il vraiment libre ? Et l’homme ?
On pourrait nuancer la vision de Sartre : Un esclave, agit sous la contrainte, il n’est pas libre. En revanche, un homme libre pourrait être comparé au lion : il agit selon son bon plaisir.
Mais cette idée est, selon Spinoza, une illusion : L’homme qui suit ses désirs sans les comprendre n’est pas libre, mais esclave de ses affects. Je peux décider de m’enivrer chaque jour — mais suis-je réellement libre si cette envie est dictée par une addiction que je n’ai pas choisie ?
Ainsi, Spinoza redéfinit alors la liberté comme une action rationnelle : Pour lui, être libre, ce n’est pas être sans cause, mais connaître les causes qui nous déterminent.
Être libre, c’est agir sous la conduite de la raison, c’est ne plus être le jouet de ses passions, mais en devenir l’acteur.
Et pourtant — et c’est toute la beauté de sa pensée —, Spinoza ne nie pas le déterminisme. Il l’accepte, tout en maintenant une forme de liberté humaine, il propose une image :
Imaginez un nageur emporté par le courant d’une rivière. Il ne peut ni sortir de l’eau, ni remonter le flot. Voilà notre condition : déterminés par des forces qui nous dépassent.
Mais dans ce cadre, une marge d’action subsiste :
Certains tenteront de nager à contre-courant. Ils s’épuiseront en vain.
D’autres chercheront à atteindre les fruits au bord de la rive, sans comprendre comment le courant les empêche d’y parvenir : ils seront frustrés.
Enfin, ceux qui auront compris la force et la direction du courant pourront manœuvrer habilement, éviter les obstacles, et cueillir les fruits accessibles.
La connaissance de ce qui nous détermine rend possible une action rationnelle, une action libre.

Mais…même si nous croyons au déterminisme, comme ces nageurs, nous agissons tous comme si nous étions libres : tout comme on espère que le dé tombe sur notre chiffre, on espère que nos choix auront un impact sur notre vie.
Alors, comment faire pour que les oiseaux ne se satisfassent pas de leurs cages ? Si « tout est dans le regard », qu’est-ce que la liberté ?
Pour certains, la liberté c’est la sécurité, pour d’autres, c’est se satisfaire de ce que l’on a, et pour d’autres c’est une volonté de se s’accomplir en se surpassant.
Peut-être ne saurons-nous jamais ce qu’est « la » liberté. Mais chacun, à travers son regard, peut choisir ce qu’est « sa » liberté.
Et après tout, ce mystère est-il si désagréable ? L’absence de réponse n’est-elle pas, en elle-même, une forme de réponse ?
Camus écrivait : « L’habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même. »
Je dirais : la quête de liberté n’est-elle pas, en elle-même, plus épanouissante que la liberté ?
Tant de questions sans réponses…Je conclurai simplement par cette phrase tirée d’un célèbre film :
« Si la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende ! »