La Néoténie transformatrice

« Certaines personnes meurent à 25 ans et ne sont enterrées qu’à 75 ans. »

Cette citation, attribuée à Benjamin Franklin, a le mérite de nous faire réfléchir : Il ne fait pas référence à la mort physique, mais plutôt à la mort symbolique de l’esprit, des rêves, de la créativité ou de la passion. À l’âge de 25 ans, marqué aujourd’hui par une transition entre les études et le travail, beaucoup de gens commencent à abandonner leurs idéaux, leurs ambitions ou leurs passions de jeunesse, souvent à cause des contraintes sociales, professionnelles ou familiales. Ils entrent dans une routine, cessent de rêver ou de se battre pour ce qui les anime vraiment.

Ainsi, entre 25 et 75 ans, la personne continue de vivre « biologiquement », mais sans vraiment « vivre » au sens profond du terme : Selon Benjamin Franklin, vivre c’est finalement être fidèle à soi même, à cette version pure et authentique de soi – avant qu’elle ne subisse toutes les contraintes du monde qui l’entoure : parfois c’est un choix de carrière qui ne nous correspond pas, parfois c’est le choix de son entourage, ou encore le piège de l’argent.

A l’aune de cette réflexion, on pourrait se demander: « Comment vivre, être enterré et mourir au même age? » :

Paulo Coelho, auteur brésilien renommé, nous apporte une première réponse : Pour lui, vivre pleinement et être heureux, n’est pas un état passif, c’est une lutte active contre la routine et la résignation, c’est un effort pour rester fidèle à soi même, c’est une conquête intérieur !

Une autre réponse vient de la science : La Néoténie désigne la rétention de traits juvéniles chez l’adulte, étendue ici à un état d’esprit : curiosité enfantine, humour de gamins, créativité et flexibilité mentale.

La néoténie psychologique implique de garder un esprit « enfantin » – imaginatif et ouvert aux possibilités – même adulte. Cela contrecarre la « mort symbolique » à 25 ans : en perdant cette mentalité, les gens deviennent rigides, cessant d’explorer comme des enfants et vivent biologiquement jusqu’à 75 ans.

De plus, des études montrent que cette rétention booste la créativité et l’adaptation, elle favorise la sociabilité et la joie. Tant de qualités essentielles pour éviter la routine.

En définitive, la citation de Benjamin Franklin nous rappelle que la véritable vie ne se mesure pas en années, mais en intensité et en authenticité. En nous inspirant de Paulo Coelho, il est possible de transformer le bonheur en une conquête intérieur, en restant fidèles à nos rêves les plus profonds. Pour ça, la néoténie est notre alliée : plutôt que de « mourir » à 25 ans, pourquoi ne pas réveiller l’enfant en nous ? Voir la vie à travers son regard serait tellement plus drôle !

L’envers de la chance

« La chance sourit aux audacieux »

Imaginons 2 situations :

  • Vous êtes au japon, vous jouez à un jeu de hasard japonais (Pachinko) dans l’espoir de remporter un souvenir, mais la machine était truquée dès le début, aucune chance de gagner !
  • Ou encore, vous marchez dans la rue, passez sous un arbre et..un pigeon vous défèque dessus, beurk !

  • Dans les 2 cas, on pourrait dire : « Mince, je n’ai pas eu de chance ». Mais est-ce vraiment le cas ?
    • La machine est truquée, la chance n’a rien à voir dans votre défaite.
    • Pour le cas du pigeon, un coup d’œil au sol et à l’arbre aurait suffit pour anticiper le risque, et donc l’éviter.

Alors finalement, qu’est ce que la chance ? Ici, il ne s’agit pas d’adopter une perspective relativiste, où la perception commande la réalité, où lorsque « tout est dans le regard » on a le « sentiment » d’avoir de la chance ou non, indépendamment des faits.
Il ne s’agit pas non plus de « hasard » où lorsque je lance mon dé, j’espère tomber sur mon chiffre, et j’estime avoir eu de la chance lorsque c’est le cas.

Non, il s’agit d’objectiver la chance, d’en faire un élément concret sur lequel nous pouvons agir : cela nécessite avant tout de la comprendre et nous ramène à la question « qu’est ce que la chance? »

Fortuna déesse romaine de la chance, distribuant la fortune de manière aléatoire, sans distinction de rang social

En prenant de la hauteur, on constate que la vie de chacun est une succession de hasards et de fatalités (au sens déterministe), lorsque les chemins des gens se croisent dans n’importe quel contexte, de pures coïncidences voient le jour : c’est de là que provient la chance.


C’est cette évidence – qu’on a seulement à posteriori – que cette coïncidence a joué un rôle si important qu’on lui attribue notre réalisation : positive c’est une chance, négative c’est une malchance, une simple question de point de vue.

En menant la réflexion jusqu’au bout, pour moi la chance est un processus doublement actif : D’abord reconnaitre ces coïncidences, et les utiliser à bon escient.
La chance c’est ce coup d’œil qui nous permet d’éviter le pigeon, c’est reconnaitre qu’elle fait partie de la vie et l’intégrer à notre réflexion, c’est finalement ne pas se reposer sur ses lauriers et continuer à s’améliorer (tout en s’amusant, surtout !).

Aurore ou Zénith – Derrière le même Soleil

Les premiers rayons de l’aurore et le plein midi sont le rayonnement du même soleil, et pourtant, certains sont si doux et agréables, tandis que les autres peuvent nous brûler la peau et endommager la rétine.

Malgré cela, nous continuons à les nommer de la même manière : « rayons de soleil ».

Cet exemple anodin met en avant quelque chose de fondamental : le langage nous piège.
Cela peut se produire sur des « petits » sujets de la vie quotidienne, mais également sur des éléments bien plus importants, qui peuvent impacter toute une vie, toute une nation.

Gustave Le Bon disait : « L’interprétation diverse des mêmes mots par des êtres de mentalités dissemblables a été une cause fréquente de luttes historiques ».

Ce piège du langage devient particulièrement visible lorsque nous touchons aux grands concepts qui structurent nos vies. Nous utilisons les mêmes mots, mais nous vivons dans des mondes différents.

Prenons l’exemple de l’amitié :  Quand vous parlez d’un « ami », de qui parlez-vous ? Pour certains, l’amitié est une affaire de camaraderie et de bons moments partagés. C’est le collègue avec qui on déjeune, le voisin avec qui on regarde le match. Une relation agréable, mais contextuelle : Si le contexte change, l’amitié s’efface.

Pour d’autres, l’amitié est un pacte sacré, une connexion d’âmes. C’est la personne que l’on appelle à 3 heures du matin, celle qui connaît nos failles les plus profondes et nous aime malgré tout. Une relation qui transcende le temps et la distance.

Ces deux réalités, toutes deux valables et respectables, portent le même nom. Si l’un attend de la légèreté, l’autre un soutien inconditionnel : Le malentendu est inévitable.

De même que pour l’amitié, un parallèle peut être fait avec le « bonheur », « l’amour », « la liberté ».

En indiquant malgré toutes les différences « toi et moi on est pareil », tout a été dit.

Alors pourquoi en arrivons-nous là ?

Cette divergence n’est pas un défaut de notre intelligence – ce serait prendre un raccourci que de le penser – mais une conséquence directe de notre humanité, forgée par plusieurs facteurs, en effet :

  • L’Expérience personnelle : Chaque mot est un contenant que nous remplissons avec notre vécu. Notre éducation, nos joies, nos traumatismes, notre culture forgent des définitions uniques. L’amour pour celui qui a été trahi n’a pas la même couleur que pour celui qui vit une relation de confiance depuis 20 ans.
  • L’Économie du Langage : Les mots sont des raccourcis. Il est plus simple de dire « amitié » que « cette relation spécifique basée sur le partage d’activités professionnelles et un respect mutuel sans implication émotionnelle profonde ». Nous sacrifions la précision pour l’efficacité.
  • Le Poids de l’Abstraction : Plus un concept est abstrait (« Dieu », « Justice », « Beauté »), plus il laisse de place à l’interprétation personnelle. Il n’a pas de contrepartie physique et tangible sur laquelle tout le monde peut s’accorder : il est plus facile de décrire une voiture, que la justice.


Ainsi, les conséquences sont partout : des déceptions amicales aux guerres civiles et aux fractures sociales. Nous pensons débattre d’une même idée, alors que nous nous battons pour défendre des mondes intérieurs incompatibles.

Alors, sommes-nous condamnés au dialogue de sourds ?

Oui et non.

Oui : car il n’est pas raisonnable d’inventer un langage parfaitement univoque : ce n’est pas un défaut de langage, mais une conséquence de notre humanité comme dit plus haut.


Non : car il est possible de lutter contre « ces pièges du langage »  à travers l’écoute, la communication, l’empathie, et la légèreté ! C’est bien plus drôle de se moquer des pièges du langage que de les subir, non ?!

Le Miroir de l’IA : des « Large Language Models » aux « Large Concept Models »

Ce défi humain trouve un écho fascinant dans le développement de l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, nous sommes émerveillés par les Large Language Models (LLM) qui sont des maîtres du langage. Ils ont analysé des milliards de textes et savent statistiquement quel mot doit suivre un autre. Ils peuvent parler d’amour en citant Shakespeare ou de liberté en invoquant Spinoza.

L’ultime frontière pour l’IA – et peut-être pour l’humanité – serait de passer à de Large Concept Models (LCM).

Encore récent et à l’état de recherche, un LCM ne se contenterait pas de savoir que le mot « bonheur » est souvent associé à « sourire » ou « famille ». Il comprendrait que le « bonheur » peut être le concept A (plaisir fugace) ou le concept B (plénitude durable), et que ces deux concepts peuvent coexister sous la même étiquette. Il saisirait la pluralité des réalités derrière un même symbole.

Cette distinction nous montre que notre propre défi n’est pas seulement de mieux parler, mais de mieux comprendre. Tout comme nous attendons de l’IA une compréhension plus profonde que la simple manipulation de mots, nous devons exiger de nous-mêmes d’aller au-delà des étiquettes que nous collons sur le monde, de faire preuve de nuance et d’avoir moins de certitude.

C’est dans cet espace, entre le mot et le concept, que se nichent à la fois les plus grands malentendus et la véritable richesse, qui une fois saisit, peut changer le monde !