La Loi de Koomey et le Théorème de Margolus-Levitin

Une loi empirique est une loi ou une formule issue de faits expérimentaux, ou validée par l’expérience, mais dont on ne connaît pas de base théorique, ou qu’on ne peut pas relier à une base théorique simple.

Ainsi, le second postulat de la première loi de Moore stipule que « le nombre de transistors des microprocesseurs sur une puce de silicium double tous les deux ans. » et se révéla particulièrement exacte entre 1971 et 2001.

En conséquence, les machines électroniques sont devenues de plus en plus petites et de moins en moins coûteuses tout en devenant de plus en plus rapides et puissantes.

En parallèle avec la loi de Moore, la loi (empirique) de Koomey décrit une tendance à long terme dans l’histoire des ordinateurs.
Elle peut être énoncée comme suit : la quantité d’énergie dont une machine a besoin pour effectuer un nombre donné de calculs va diminuer d’un facteur deux chaque année et demie.

Évolution du nombre de calculs effectués par kWh, de 1946 à 2009.
La courbe est le tracé représentant la loi de Koomey, en rouge, le nombre de calculs effectifs (d’où la régression linéaire).
  • Avec un raisonnement simple et en suivant cette loi, on peut imaginer qu’en fixant une quantité d’énergie (disons 1 joule), le nombre de calculs qu’une machine peut effectuer, va augmenter chaque année et demie.
  • Plus le temps passe, plus ce nombre de calculs croît (ici de manière exponentielle) et sans limites finie.

D’un autre côté, le théorème de Margolus-Levitin, impose une limite fondamentale au calcul.
Selon ce théorème, la vitesse à laquelle toute machine calcule (c’est-à-dire nombre d’opérations effectuées dans un temps donné et utilisant une quantité d’énergie donnée) ne peut pas être supérieur à 6 × 10^33 opérations par seconde et par joule.

Dit autrement, en utilisant un joule il serait possible à une machine de réaliser jusqu’à 6 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 (6 millions de milliards de milliards de milliards) d’opérations par seconde, mais sans pouvoir franchir cette limite.

Cette limite est surtout « physique », elle a été calculée par Norman Margolus et Lev B. Levitin, en effet, calculer revient à modifier l’état physique d’un bit d’information. Cette modification a un coût qui peut être borné, ce qui aboutit à la limite mentionnée plus haut.

De quoi bien faire attention aux abus de langages entre une loi empirique et une loi physique !

Le Postulat de Khazzoom-Brookes

L’effet rebond (dont le cas extrême est le paradoxe de Jevons) peut être défini comme « l’augmentation de consommation liée à la réduction des limites suite à l’utilisation d’une technologie, ces limites pouvant être monétaires, temporelles, sociales, physiques, liées à l’effort, au danger, à l’organisation… ».

Il en découle que : les économies d’énergie ou de ressources initialement prévues par l’utilisation d’une nouvelle technologie sont partiellement ou complètement (Jevons) compensées à la suite d’une adaptation du comportement de la société.

Le postulat de Khazzoom-Brookes (du nom des économistes Daniel Khazzoom et Leonard Brookes) est une théorie économique selon laquelle une meilleure efficacité énergétique tend paradoxalement à augmenter la consommation d’énergie.
Elle reprend et actualise le paradoxe de Jevons et est un exemple de l’effet rebond.

En effet, les économistes considèrent que l’augmentation des coûts de l’énergie (à cause de taxes supplémentaires, de pénuries, etc.) réduit sur le court terme l’utilisation de l’énergie, mais favorise, sur le long terme, une meilleure efficacité énergétique (via l’innovation).

Le HPC suit le postulat de Khazzoom-Brookes (From Bits to Buildings:
Energy Efficiency and the Path to Exaflops
)

Ils concluent que « cette réponse en efficacité compense partiellement l’augmentation des prix et donc la réduction de la demande est affaiblie. Le résultat final est un nouvel équilibre entre l’offre et la demande à un niveau plus élevé de l’approvisionnement et de la consommation que s’il n’y avait pas eu de réponse en efficacité. »

Ainsi, les voitures utilisant moins de carburant pourraient provoquer une augmentation correspondante du nombre de voitures, des trajets et d’activités liées aux voyages plutôt qu’une baisse de la demande en énergie. Il apparaît que ces multiplicateurs latents d’effets opposés seraient généralement plus grands que le résultat linéaire de l’effet original.

Le même raisonnement peut être appliqué pour les voitures moins polluantes, qui in fine, en raison de l’augmentation du nombre de voitures, polluent plus que la situation initiale.

Le Paradoxe de Jevons

Le paradoxe de Jevons (du nom de William Stanley Jevons – économiste et logicien britannique – qui l’a mis en évidence en 1865) énonce qu’à mesure que les améliorations technologiques augmentent l’efficacité avec laquelle une ressource est employée, la consommation totale de cette ressource peut augmenter au lieu de diminuer (d’où le paradoxe).

En particulier, ce paradoxe implique que l’introduction de technologies plus efficaces et moins consommatrices en matière d’énergie peut, dans l’agrégat, augmenter la consommation totale de l’énergie.

William Stanley Jevons

Dans son livre de 1865, Sur la question du charbon, Jevons observe que la consommation anglaise de charbon a fortement augmenté après que James Watt a introduit sa machine à vapeur.

En effet, les innovations de Watt ont fait du charbon une source d’énergie plus rentable (produit plus d’énergie qu’avant, pour la même quantité de charbon), ce qui a conduit à généraliser l’utilisation de la machine à vapeur au sein des manufactures.
Plutôt que de réduire la consommation totale de charbon, les améliorations technologiques et les gains de rentabilité ont conduit à accroître la consommation totale de charbon, d’où le paradoxe.

Les améliorations techniques entre 1830 et 1863 ont permis de diminuer de deux tiers (66%) la consommation de charbon par unité de fer produite, mais dans le même temps ont conduit à une multiplication par dix (1000%) de la quantité de charbon consommée !